Dans Capital du mois d’août, dossier spécial « 1945-2005 : les 60 ans qui ont révolutionné la France ». Un dossier coincé entre la nostalgie et l’angoisse : notre « modèle économique et social unique » ne marche plus, concurrencé par un « modèle libéral » en pleine forme.
Etonnant qu’on dresse aujourd’hui seulement ce constat, repris par tous les éditorialistes, alors qu’il y a 30 ans que ça dure et que les libéraux n’ont cessé de répéter ce que tout le monde trouve à présent évident : trop d’Etat et de réglementation, pas assez d'initiative individuelle.
Philippe Eliakim explique comment on en est arrivé là : depuis la Libération, les Français ont demandé toujours plus de protection, de prestations, de réglementation, bref toujours plus d’Etat, et le pouvoir, voyant là une façon de se consolider, s’est toujours empressé de répondre oui. Le pli fut pris dès 1946 : comités d’entreprise, Sécu, allocations familiales, ENA, Commissariat au Plan (et cela devait se continuer avec des décennies de soi-disant « progrès social » imposé : SMIC, congés payés, assurance chômage, jusqu’aux 35 heures). La croissance des « 30 glorieuses » a permis de financer tout cela grâce à des prélèvements obligatoires toujours en croissance eux aussi. Puis ce fut les 30 piteuses, avec aujourd’hui une dette à 65% du PIB, le chômage, l’ascenseur social bloqué. Non pas qu'on soit plus bêtes que les autres : Capital consacre quelques pages aux inventions françaises, qui tombent à l’eau faute de financement ou sont étouffées par la bureaucratie publique.
Faut-il donc mettre le modèle français à la retraite, se demande Capital ? D’après Jacques Marseille, ce modèle est mort il y a vingt ans ; sa clé de voûte était (et reste) l’Etat et ses fonctionnaires, qui pourvoient à tout (même à la réglementation de la pause casse-croûte des manoeuvres du bâtiment) ! Un modèle qui d’après Marseille « ressemble étrangement à celui de l’Union soviétique – sans les horreurs du goulag », pimenté d’inflation et de protectionnisme. Le défi est bien de sortir du tout-Etat.
Nicolas Baverez identifie les causes, selon lui, du déclin français : schizophrénie, malthusianisme, clientélisme, c'est-à-dire : politiques incohérentes qui « stérilisent les cerveaux », « partage » du travail, système fiscal et social confiscatoire, explosion de la dette publique, exode forcé des facteurs de richesse.
Elie Cohen souligne, lui, l’échec du colbertisme et l’absence de stratégie de développement industriel telle que celle du « modèle de la Silicon Valley », modèle financé par le capital-risque et la Bourse, remplacé en France par un saupoudrage financier de l’Etat.
Pour terminer, Guy Sorman se contente d’imaginer une France qui se serait coupée de l’Europe en 1958, et c’est savoureux : Renault associé à Trabant produit une voiture à deux temps, et Simca une 3CV ; l’emploi est garanti à vie ; le franc n’est pas convertible ; il n’y a plus de banques, que des Caisses d’épargne ; l’inflation est à 14% ; les Français sont les plus pauvres d’Europe, mais il n’y a pas de chômage ; la télévision est encore en noir et blanc, et pour voir de la couleur il faut s’exiler en Angleterre (en ferry, car il n’y a pas de tunnel et le service des Caravelles d’Air France a été interrompu par manque de pièces détachées). Le petit-fils du général de Gaulle est au pouvoir (avec Jean-Louis Debré à Matignon) et se demande comment réagir contre une invention américaine diabolique : Internet ! Seul point positif : la France reste le centre de la gastronomie mondiale, et on vient de loin pour visiter ce bien curieux endroit...
25.7.05
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